Le sujet "la rupture de négociations contractuelles" revêt plusieurs intérêts. Il est avant tout important de connaître la liberté contractuelle et ce qu’elle implique pour la rupture de pourparlers.0
Ensuite, il faut expliquer comment cette liberté est encadrée par l’existence du régime de responsabilité pour rupture abusive et comment elle est définie. La rupture abusive est liée à la bonne foi. La bonne foi, dans un sens général est un "comportement loyal que requiert notamment l’exécution d’une obligation ; [c’est une] attitude d’intégrité et d’honnêteté ". Dans le régime de la rupture abusive la question des dommages réparables et non-réparables se posera aussi.
Table des matières
Table des matières
Bibliographie
Introduction
I) La rupture de la négociation non-encadrée
A) Les fondements du droit a la rupture des pourparlers
B) L'exercice du droit a la rupture des pourparlers
1) La rupture lors les pourparlers
a) Le classement juridique de la rupture de bonne foi
b) Les circonstances de la responsabilité pour rupture abusive
2) La rupture après émission d'une offre
3) Le dommage réparable
II) La rupture de la négociation encadrée par des avant-contrats
A) Les accords de principe
B) Les avant-contrats proprement dits
1) Promesse synallagmatique de vente - la vente déja « parfaite » ?
2) Promesse unilatérale de vente - un droit potestatif rendant le contrat parfait par une seule volonté
3) Le pacte de préférence et les contrats-cadre - possibilité de rupture
III) Conclusion
Bibliographie
Thèses :
- Tisseyre, Sandrine, Preface de Fabre-Magnan, Muriel, Le role de la bonne foi en droit des contrats, Essai d'analyse a la lumière du droit anglais et du droit européen, Presses Universitaires d'Aix-Marseille 2012. (Cité comme Tisseyre, Bonne foi)
Manuels :
- Carbonnier, Jean, Droit civil, tome II, les biens, les obligations, Presses Universitaires de France, 21e édition 2002. (Cité comme Carbonnier, Droit civil).
- Delebecque, Philippe, Pansier, Frédéric-Jéróme, Droit des obligations, Responsabilité civile, Délit et quasi-délit, LexisNexis, 7e édition 2016 Paris. (Cité comme Delebecque, Obligations).
- Malaurie Philippe, Aynès Laurent, Stoffel-Munck Philippe, Droit des obligations, LGDJ Lextenso Editions, 9e édition 2017 Paris. (Cité comme Malaurie, Obligations).
- Pietrancosta, Alain et al., Le droit des contrats réformé, 60 points-clés a maitriserpour vos opérations de M&A/Financement, Fauves Editions 2016 Paris (Cité comme Pietrancosta, Droit des contrats).
Articles de périodiques/ articles dans mélanges :
- Cadiet, Loïc, Le Tourneau, Philippe, Abus de droit, Répertoire de droit civil Dalloz juin 2015, actualisation mai 2017, https://www-dalloz-fr.biblionum.u- paris2.fr/documentation/Document?id=ENCY/CIV/RUB000002&FromId=ENCY_CI V_RUB000055 (Cité comme Cadiet, Abus de droit).
- Deshayes, Olivier, Le dommage précontractuel, dans RTD com. 2004, p. 187 et s. (Cité comme Deshayes, Dommage précontractuel).
- Ghestin, Jacques, La responsabilité délictuelle pour rupture abusive des pourparlers, Semaine juridique JCP G - édition générale 2007, n° 20-21, I, 155, p. 15 et s. (Cité comme Ghestin, Rupture abusive des pourparlers).
- Le Tourneau, Philippe, Poumarède, Matthieu, Bonne foi, Répertoire de droit civil Dalloz janvier 2017, https://www-dalloz-fr.biblionum.u-paris2.fr/documentation/Document ?id=ENCY/CIV/RUB000055/BIB004/2017-01 (Cité comme Tourneau, Bonne foi).
- Mazeaud, Denis, La période précontractuelle en droits positif et prospectif franqais, européen et international : comparaisons ; dans Deshayes, Oliviers, L'avant-contrat, Actualité du processus de formation de contrats, Collection Ceprisca 2008, p. 13 et s. (Cité comme Mazeaud, Période précontractuelle).
- Nau, Liliane, Responsabilité pré- ou près contractuelle ? Variations sur un même thème en droit comparé franco-allemand dans des contrats civils et commerciaux aux contrats de consommation dans Mélanges en l'honneur du doyen Bernard Gross, sous la direction de Henri, Xavier, Presses Universitaires de Nancy, 2009, p. 117 et s. (Cité comme Nau, Responsabilité).
- Rieg, Alfred, La «punctuation» contribution a l'étude de la formation successive du contrat, dans Études offertes a Alfred Jauffret, LGDJ, 1974, p. 593 et s (Cité comme Rieg, Punctuation).
Autres :
- Cornu, Gérard, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 11e édition mise a jour, P.U.F. 2016 Paris. (Cité comme Cornu, Vocabulaire juridique).
- Projet de réforme de la responsabilité civile, 13 Mars 2017, http://www.justice.gouv.fr/publication/Projet_de_reforme_de_la_responsabilite_civile 13032017.pdf
- Rapport au Président de la République relatif a l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2016/2/11/JUSC1522466P/jo/texte
- Roubier, Paul, Préface de Deroussin, David, Droits subjectifs et situations juridiques, Dalloz 1963 Paris, réimpression 2005. (Cité comme Roubier, Droits subjectifs).
Introduction
« Pourparlers. Très souvent pour ne rien dire. »
- Jacques Mailhot Animateur, Journaliste (1949 - )
Les pourparlers, ce sont les « entretiens préalables a la conclusion d'un accord »1. On parle souvent de négociations, ce qui est la « première phase de la procédure de conclusion d'un accord ... »2. L'article 1114 Cciv explique la difference par laquelle on peut déterminer s'il y a déja une offre contractuelle ou uniquement une invitation a entrer en pourparlers : « L'offre, faite a personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut, il y a seulement invitation a entrer en négociation ».
Les pourparlers sont la phase qui mène a la conclusion d'un contrat. La question se pose si les pourparlers entrent dans la phase contractuelle ou non. Principalement, en droit francais tout ce qui n'implique pas déja un contrat conclu sera extracontractuel. La phase precontractuelle n'est pas une exception a ce principe, elle relève du régime extracontractuel.
Le droit francais a une forte vision de la liberté contractuelle. Ainsi, si une partie se rend compte pendant les pourparlers qu'elle ne veut pas conclure le contrat, elle peut librement rompre les négociations sans engager sa responsabilité.
Tant qu'en droit commercial il y a déja eu une provision concernant la rupture de pourparlers, l'article L442-6-I 5° du Code du commerce, le Code civil ne vient que se voir ajouter des provisions pour les négociations. En droit commercial la rupture sans préavis de toute relation commercial établie est interdite. La loi lutte contre la rupture brutale et ainsi contre des pratiques abusives.3
En matière civile, la jurisprudence a dü prendre parole et a élaboré notamment le principe de liberté de négociations précontractuelles et de leur rupture ce qu'elle fondait sur la liberté contractuelle. Le Code civil de 1804 ne prévoyait aucun article concernant les négociations, c'est pourquoi le régime restait prétorien. La rupture c'est l'« action en général unilatérale [...] de mettre un terme a des pourparlers »4
La réforme de 2016 du droit des obligations a élaboré un nouvel article 1112 Cciv qui codifie notamment le principe de liberté précontractuelle.
La rupture étant en principe libre, la jurisprudence s'est dès le début rendu compte que l'on peut abuser de sa liberté de rompre les pourparlers en causant des dommages a l'autre partie. Elle prévoyait ainsi un régime prétorien de responsabilité délictuelle pour rupture abusive de pourparlers. Ce régime de responsabilité a aussi été inclus dans le nouvel article 1112 Cciv. Si la rupture est abusive, cela implique qu'elle est exercée de manière manifestement mal fondée en toute connaissance de celui qui l'exerce.5
Le régime étant extracontractuel, il y a un courant fort de contractualisation de pourparlers par des avant-contrats, ce qui sont « soit de véritables contrats (de base) [.], soit plus généralement et plus vaguement toute espèce d'accord préliminaire passée pendant les pourparlers »6.
Le sujet « la rupture de négociations contractuelles » revêt plusieurs intérêts. Il est avant tout important de connaïtre la liberté contractuelle et ce qu'elle implique pour la rupture de pourparlers. Ensuite, il faut expliquer comment cette liberté est encadrée par l'existence du régime de responsabilité pour rupture abusive et comment elle est définie. La rupture abusive est liée a la bonne foi. La bonne foi, dans un sens général est un « comportement loyal que requiert notamment l'exécution d'une obligation ; [c'est une] attitude d'intégrité et d'honnêteté »7. Dans le régime de la rupture abusive la question des dommages réparables et non- réparables se posera aussi.
Dans la vie courante aujourd'hui, les contrats de masse ont gagné de l'importance. A chaque fois que l'on achète de la nourriture au supermarché, cela rentre dans la catégorie de contrat de masse. Le contrat sera conclu sans que les deux partenaires aient eu l'occasion d'en négocier. L'exemple le plus évident c'est la machine de vente ou une personne va introduire des pièces et obtenir mécaniquement une marchandise - celui qui entretient la machine n'a même pas parlé un seul mot avec celui qui l'utilise. Ces exemples montrent qu'aujourd'hui la négociation contractuelle n'est principalement plus très courante dans la vie normale des gens.8
La négociation préalable au contrat est un concept sociologiquement important - notamment en sociologie américaine. Celle l'accepte comme une certaine théorie de jeux. Le jeu se présente sous forme de propositions et de contre-proposition en vue de la conclusion de contrats a venir. En Europe et notamment en France, la théorie juridique de négociations se présente de manière beaucoup plus simple. Il y a un désintéressement principal a la phase précontractuelle du point de vue juridique et l'on ne parle que de consentement entre deux contractants. Le consentement se manifeste principalement dans une offre qui va être suivie d'une acceptation sans changement. Ainsi, un consentement sera atteint et le contrat sera parfait.
Aujourd'hui cependant, les situations contractuelles sont devenues beaucoup plus complexes, que cela soit dü a la globalisation ou encore a l'émergence de l'Internet. Il ne suffit plus d'expliquer tout ce système très complexe d'obtention d'un accord contractuel par la simple rencontre d'offre et d'acceptation en tant que seule phase ou le droit s'intéresse aux contractants. Le droit est très généraliste concernant le concept de conclusion de contrats. Mais ce n'est pas une coïncidence - le droit a intentionnellement procédé a un désintéressement a la phase avant la conclusion du contrat.9
Ce qui existe notamment aujourd'hui pour les contrats les plus importants, c'est-a- dire les contrats commerciaux de grande ampleur. On appelle ici une « punctuation »10 la situation ou le contrat se formera par étapes, ce qui est un concept très allemand.11
Le sujet revêt deux faces : les négociations encadrées et non-encadrées. Les deux ont des différentes implications pour la rupture et pour la responsabilité pour rupture abusive. Ainsi, il convient dans un premier temps d'examiner la négociation non-encadrée dont le principe est la liberté de rompre et ou la rupture abusive implique une responsabilité délictuelle (I). Ensuite, on examinera la contractualisation des négociations par des avant-contrats et la rupture abusive qui peut engager la responsabilité contractuelle (II).
I) La rupture de la négociation non-encadrée
Il faut d'abord comprendre quels sont les fondements du droit a la rupture des négociations contractuelles (A) pour ensuite étudier comment ce droit s'exerce (B) dans la situation ou aucun encadrement de pourparlers existe.
A) Les fondements du droit a la rupture des pourparlers
L'ancien Code civil ne mentionnait pas les négociations et toute la théorie précontractuelle a donc été prétorienne. Le Code civil s'en désintéressait et voulait que la phase soit régie par la liberté contractuelle tirée de l'ordre public.
Les pourparlers sont définis différemment que la phase contractuelle. La phase de pourparlers va être déclenchée au moment ou une invitation a entrer en pourparlers a été faite, invitation qui diffère sur le point de fermeté avec une offre contractuelle (qui est d'une telle fermeté que l'autre partie peut accepter par un simple oui).
Après la réforme de 2016, le Code civil a désormais un nouveau titre s'appelant « les négociations » ( Livre III Des différentes manières dont on acquiert la propriété, Titre 3 Sources d'obligations, Sous-titre 1 Le contrat, Chapitre 2 Formation du contrat, Section 1 Conclusion du contrat, Sous-section 1 Négociations ).
L'article 1112 nouveau Cciv énonce trois principes que la jurisprudence avait déja admis depuis longtemps : la liberté dans l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations. Cela est un reflet de la liberté contractuelle générale inscrite dans l'article 1102 Cciv : la liberté contractuelle inclut aussi la liberté de ne pas conclure un contrat avec un partenaire avec lequel on a déja entretenu des pourparlers. L'article 1102 Cciv énonce que « chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi ». Cette liberté implique en principe aussi l'absence d'engagement de responsabilité pour l'exercice de la liberté.
L'article 1112 Cciv impose désormais aussi le respect de la bonne foi de manière expresse pendant la phase précontractuelle - reflet du principe de bonne foi dans la formation du contrat inscrit a l'article 1104 Cciv. Ce principe peut sembler contradictoire a la libre rupture des pourparlers, mais en fait, il ne fait qu'encadrer l'exercice de ce droit.12
B) L' exercice du droit a la rupture des pourparlers
Les deux principes semblent se contredire : la liberté de rompre les pourparlers sans engagement de responsabilité d'un contrat non pas encore conclu de manière ferme ou définitive et l'obligation de bonne foi.
Cette obligation de bonne foi va encadrer l'exercice de la libre rupture en attachant a certains exercices considérés comme abusifs l'engagement de la responsabilité civile.
La responsabilité dite précontractuelle ne sera pas contractuelle. Le droit francais distingue strictement la responsabilité contractuelle et extracontractuelle. Dès qu'il y a un contrat, la responsabilité contractuelle sera le régime a appliquer. Mais inversement, lorsqu'il n'y a pas de contrat qui existe entre les deux parties, la responsabilité contractuelle sera exclue. Donc, toute faute qui est extérieure au contrat va relever de la responsabilité extracontractuelle. Une primauté de la responsabilité contractuelle a été décidée, c'est-a-dire qu'il n'y a pas de possibilité de choisir entre le régime applicable dès que l'on est face a une faute contractuelle et vice versa.
En droit positif la responsabilité précontractuelle relève du régime quasi-délictuel, « ce qui n'est pas convaincant »13 selon une partie de la doctrine. Cependant, comme on le verra plus tard, en droit commercial les parties ont la tendance a contractualiser la phase précontractuelle.14
Pour l'existence de responsabilité, une faute doit être commise. La faute est la violation d'une obligation juridique, ce qui est en principe un « manquement a une obligation préexistante » (définition célèbre de M. Planiol). Cette définition permet en effet de rapprocher les fautes contractuelle et délictuelle.
Tant que la faute contractuelle est définie en tant qu'inexécution d'une obligation contractuelle, la faute délictuelle consiste en l'inexécution d'une obligation hors contrat, donc par exemple par la loi.
La jurisprudence reconnait aussi en quelque sorte un rapprochement, puisque la Cour de cassation a expliqué, dans un arrêt de 2006 dit Myr'Ho15, que l'inexécution d'une obligation contractuelle constitue ipso facto déja une faute extracontractuelle a l'égard d'un tiers victime.16
L'obligation préexistante qui peut être violée en matière précontractuelle est la bonne foi, comme l'énonce désormais l'article 1112 Cciv : les négociateurs « doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ». La loi édicte ainsi une obligation précontractuelle.
Il faut bien distinguer entre deux situations ou l'on peut parler de rupture de pourparlers. D'une part il y a la vraie rupture pendant les pourparlers, c'est-a-dire qu'il n'y a pas encore eu de manifestation de volonté ou de consentement (1). D'autre part, un des négociateurs peut déja avoir émis une offre contractuelle en tant que manifestation de volonté, mais souhaite rompre après l'émission (2).
1) La rupture lors les pourparlers
Pour mieux comprendre la responsabilité pour rupture en violation de la bonne foi, il faut d'abord classer juridiquement la rupture (a) pour ensuite examiner les circonstances dans lesquelles la rupture peut entrainer la responsabilité délictuelle (b).
a) Le classement juridique de la rupture de bonne foi
L'exigence de bonne foi constitue un tempérament a la liberté contractuelle. Comme déja expliqué, la liberté pendant les pourparlers est celle de contracter ou non, la rupture de pourparlers étant en principe libre, c'est-a-dire sans sanction pour le seul fait de rupture des pourparlers.17 Le nouvel article 1112 Cciv a repris ce que la jurisprudence française a progressivement admis : la bonne foi tempère la liberté contractuelle18 et la responsabilité est engagée en cas de rupture de mauvaise foi.19
[...]
1 Cornu, Vocabulaire juridique
2 Ibid.
3 Cf. Malaurie, Obligations, n° 418.
4 Ibid.
5 Cf. ibid.
6 Ibid.
7 Ibid.
8 Cf. Malaurie, Obligations, n° 464.
9 Cf. Ibid, n°. 465, 467.
10 Carbonnier, Droit civil, n° 39 et s. ; Rieg, Punctuation, p. 593 et s.
11 Cf. Malaurie, Obligations, n° 466.
12 Cf. Malaurie, Obligations, n°. 467 et s; Pietrancosta, Droit des contrats, p. 15-18.
13 Delebecque, Obligations, n° 51.
14 Cf. ibid, n° 54 et s.
15 Cass Ass Plén 6 octobre 2006, n°05-13.255.
16 Cf. Delebecque, Obligations, n° 85.
17 Cf. Tisseyre, Bonne foi, n° 18
18 Cf. p.ex. Cass 1ère civ 27 février 1962, Bull civ I, n° 127.
19 Cf. p.ex. Cass 3ème civ 3 octobre 1972, Bull civ III, n° 491; dans le même sens voir aussi les articles 2:301(2) PDEC et II-3:301(2) et (3) DCFR.