Une figure paternelle est généralement un homme plus âgé, normalement doté de pouvoir, d’autorité ou de force, avec lequel on peut s’identifier à un niveau profondément psychologique et qui génère des émotions généralement ressenties envers son père. L’International Dictionary of Psychology définit la « figure paternelle » comme « un homme vers lequel une personne admire et qu’elle traite comme un père ».
L’APA Concise Dictionary of Psychology propose une définition plus étendue : « un substitut du père biologique d’une personne, qui remplit des fonctions paternelles typiques et sert d’objet d’identification et d’attachement. Les figures paternelles peuvent inclure des personnes telles que les pères adoptifs, beaux-pères, frères ainés, enseignants et autres ». Ce dictionnaire poursuit en indiquant que le terme est synonyme de père de substitution. La première définition suggère que le terme s’applique à tout homme, tandis que la seconde exclut les pères biologiques.
LE PÈRE, CE MAL-AIMÉ : ESSAI D'ANALYSE SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE SUR LA FIGURE PATERNELLE EN AFRIQUE
Une figure paternelle est généralement un homme plus âgé, normalement doté de pouvoir, d’autorité ou de force, avec lequel on peut s’identifier à un niveau profondément psychologique et qui génère des émotions généralement ressenties envers son père. L’International Dictionary of Psychology définit la «figure paternelle» comme «un homme vers lequel une personne admire et qu’elle traite comme un père»1. L’APA Concise Dictionary of Psychology propose une définition plus étendue: «un substitut du père biologique d’une personne, qui remplit des fonctions paternelles typiques et sert d’objet d’identification et d’attachement. Les figures paternelles peuvent inclure des personnes telles que les pères adoptifs, beaux-pères, frères ainés, enseignants et autres». Ce dictionnaire poursuit en indiquant que le terme est synonyme de père de substitution2. La première définition suggère que le terme s’applique à tout homme, tandis que la seconde exclut les pères biologiques.
En tant que principal dispensateur de soins, un père ou une figure paternelle joue un rôle clé dans la vie d’un enfant. La théorie de l’attachement offre un aperçu de la façon dont les enfants se rapportent à leur père et lorsqu’ils recherchent une «figure paternelle» distincte. Selon une étude réalisée en 2010 par POSADA id="" et KALOUSTIAN, la façon dont un nourrisson modélise son attachement à la personne qui s’occupe de lui a un impact direct sur la façon dont le nourrisson réagit aux autres3. Ces réponses motivées par l’attachement peuvent persister tout au long de la vie. Des études menées par PARKE et CLARK-STEWART (2011) et LAMB (2010) ont montré que les pères sont plus susceptibles que les mères de s’adonner à des jeux chaotiques avec les enfants4.
D’autres fonctions qu’une figure paternelle peut remplir incluent: aider à établir des limites personnelles entre la mère et l’enfant5 ; promouvoir l’autodiscipline, le travail d’équipe et le sens de l’identité de genre6 ; offrant une fenêtre sur le monde plus vaste7, et offrant des opportunités à la fois pour l’idéalisation et son élaboration réaliste8. Des études ont montré que l’absence d’une figure paternelle dans la vie d’un enfant peut avoir de graves impacts psychologiques négatifs sur la personnalité et la psychologie d’un enfant9, alors que les figures paternelles positives ont un role important dans le développement d’un enfant10.
Il a fallu attendre les années 1980 pour que la psychanalyse s’intéresse au père en tant que personne et aux processus qui affectent le «devenir père». Dans la psychanalyse freudienne et lacanienne, le père est surtout entendu dans sa fonction. Il repose sur le principe de la différence des sexes et des générations et s’appuie sur le modèle familial principal en Occident, «la famille conjugale»11.
Selon l’analyse de Sigmund FREUD, pour la fille comme pour le garçon, le complexe d’Œdipe et complexe de castration participent, de la reconnaissance de la différence des sexes et des générations et inscrivent chacun des sexes dans un destin. Dans les deux cas, le père représente le tiers, celui qui sépare l’enfant de sa mère à laquelle le garçon comme la fille sont primordialement attachés. Ainsi, les fonctions maternelles et paternelles sont distinctes. Le père parachève donc le processus de différenciation entre l’enfant et la mère.
Le père est une figure complexe de par sa fonction protectrice et éducatrice et plus particulièrement sur le continent africain car le père ne doit pas montrer ses émotions qui témoignent des failles qu'il y a en chacun de nous. Traditionnellement, la culture africaine est dominée par l’importance de la parenté: la connaissance poussée de sa généalogie que devait posséder l’enfant africain en est une preuve. Place et role de l’individu, éducation des enfants, qualités morales à développer, étaient déterminés par la caste; la catégorie sociale à laquelle on appartient. La filtration était bilatérale: au lignage matrilinéaire qui devait exister à l’origine s’est ajoutée (sous l’influence de l’Islam et l’instauration de la royauté), une filiation patrilinéaire. Si le lignage paternel transmet le nom et les héritages, le matrilinéage développe des relations sociales étroites et confie le destin physique et social de l’enfant à la mère.
Les mariages se faisaient à l’intérieur de la parenté; cependant, ils étaient interdits aux parents en ligne directe et aux collatéraux et se faisaient de préférence entre cousins croisés. Ces structures sont en voie de transformation: la communauté familiale tend à se restreindre. Elle se disloque sous l’effet des migrations dues à l’attrait des villes (exode rural). Les différents ménages d’une famille étendue tendent à s’individualiser. Le chef de famille n’a plus qu’une autorité morale12.
Toujours sous le couvert de la tradition, la communauté familiale comportait plusieurs générations dans une structure polygamique. Les relations y étaient complexes, nombreuses, distantes (par exemple entre le père et les enfants) et assez peu intimes. L’éducation de l’enfant était un problème familial et villageois, et non parental. Elle était à la fois technique, intellectuelle, morale et sociale. Les relations père et fils étaient dictées par la structure sociale et l’organisation familiale13. Dans nos sociétés, la filiation fonde la transmission des biens de l’héritage, dans un système patrilinéaire, cette dernière veut que le nom de l’enfant soit celui du père ou celui d’un membre de la famille du père14.
La gérontocratie est le fondement de l’autorité. Les différentes cellules de base ont à leur tête des patriarches. Le patriarche était entouré d’un conseil des anciens qui prenaient les grandes décisions15. GRANDE BATOLIERE, dans l’Encyclopédie Alpha, Tome II, définit le patriarcat comme étant l’autorité exclusive du père de famille. Ce type d’organisation a caractérisé l’antiquité classique et s’est perpétué jusqu’à une époque récente. Le patriarcat attribuait au chef de famille non seulement la direction des travaux et la gestion économique, mais des fonctions juridiques dans l’Afrique primitive, le père de famille avait droit de vie et de mort sur ses enfants et son épouse était sa chose au meme titre qu’un bien meuble16.
En tant que figure d’autorité, le père est celui qui fournit son appartenance clanique à ses enfants. Les groupements se distinguent en effet par un double critère: l’ordre généalogique (un ancêtre commun à toutes les lignées) et l’ordre géographique (une localisation nettement (localisée) précisée). Tous les groupements se réfèrent à un ancêtre qui dirigea les dernières migrations et réalisa les premiers établissements à partir desquels chaque fragment clanique s’élargit et essaima. Le village lui-même dès qu’il a atteint un volume moyen comprend un certain nombre de lignages mineurs: ceux-ci représentent la descendance encore présente du groupe des frères réels et demi-frères qui constituent la cellule initiale. Cette structure par patrilignages emboités apparait comme la caractéristique dominante de la société. On s’explique alors l’importance accordée autrefois à la connaissance minutieuse par chaque individu des éléments de sa lignée paternelle.
Celle-ci à la faveur du système des dénominations – un nom a deux termes construits en employant comme second terme du nom du fils le premier terme du nom du père établit un enchainement dont il est impossible d’omettre une unité17.
Par extension, le père mais aussi le mari selon la coutume africaine exerce un certain pouvoir sur la personne et les biens de sa femme et de ses enfants. En effet, le mari africain possède la puissance maritale. Il doit diriger sa femme et au besoin la corriger dans une limite raisonnable. Certaines coutumes règlementent avec le détail les dimensions de l’instrument dont il peut se servir pour lui faire entendre raison et même indiquent les parties du corps de la femme qui doivent recevoir les coups. Le mari est quelquefois responsable des actes de sa femme18.
A ce titre, les enfants n’obéissent pas à leurs parents en raison du seul fait qu’ils peuvent les récompenser ou les sanctionner mais aussi et surtout parce qu’ils croient que leurs parents ont ce droit, compte tenu de leur âge, de leur expérience ou tout simplement parce qu’ils estiment que leurs parents sont à même de leur recommander ce qu’ils doivent faire. On parle de l’obligation morale du pouvoir en sociologie politique19.
Partant de là, le père en Afrique est une autorité suprême qu’il ne faut pas heurter et que l’on doit respecter à tout prix car c’est lui qui apporte le gite et le couvert. Il assure la sécurité physique, matérielle et familiale de sa famille et de tous ceux qui vivent sous son toit. Du fait de cet engagement constant, il ne peut pas/ne doit pas montrer ses sentiments au risque de faiblir et de ne plus assurer sa fonction de protecteur du socle familial.
S’il est vrai que les femmes recherchent également le pain quotidien,surtout dans un contexte de monoparentalité de plus en plus affirmé, les familles ayant la chance d’avoir les deux conjoints vivant sous le même toit, on se tourne généralement vers le père pour avoir l’argent de la ration quotidienne. Ce qui entraine le fait que l’homme est «au dehors» et se retrouve malgré lui, mis en distance par rapport à ses enfants qu’il ne voit que le soir ou très peu dans la journée. Cette distance s’accentue au fil des années car le père, avec des charges de plus en plus contraignantes, est généralement absent ou plutôt son implication est plus ressentie lors de circonstances précises telles qu’une hospitalisation, une cérémonie de remise de diplôme ou d’une réunion familiale en tant que chef de famille, seul autorisé à prendre la parole en public.
C’est donc à la mère que revient la gestion des «petits détails» du quotidien et de procurer de l’attention et de la tendresse aux enfants. C’est elle qui connait les petits secrets des enfants et le père n’est informé qu’en dernier recours et lorsque la situation est jugée périlleuse. En d’autres termes, le père n’intervient que si la situation déborde et que la mère ne parvient plus à gérer.
A ce stade, le père réagit, on s’en doute, parfois avec colère, car il se rend compte qu’il a été prévenu «à la dernière minute» et comme il se doit agir en tant qu’être réfléchi et maitre de ses émotions, il tranche dans le vif et peut passer pour le méchant. Il doit incarner la force, la puissance, la rationalité en tout temps et en tout lieu.
Paradoxalement, cet état de choses conduit le plus souvent le père à entretenir une image de «mauvais garçon» c’est-à-dire privilégier et maintenir une distance aussi physique qu’émotionnelle vis-à-vis de sa femme et de ses enfants. Sa progéniture ne perçoit en général que quelques bribes de douceur manifestées çà et là. Ainsi, à l’âge adulte, on peut recenser dans son propre entourage, des témoignages de pères qui se plaignent du manque de manifestations d’amour de leurs enfants au détriment de la mère. C’est elle qui, la plupart du temps, est la «cible» de tous les cadeaux et attentions même sans le demander. C’est comme si après avoir consenti à tous les sacrifices sur le plan matériel pour ses enfants, le père se retrouvait dépossédé de ses «investissements».
On peut donc se demander si cette «distance» tant prônée par la tradition africaine, ne fait-elle pas finalement du tort au principal concerné, c’est-à-dire à la figure paternelle, et par extension, au chef de famille? Notre réponse tend vers le «non». Tout simplement, parce que la figure paternelle se doit d’etre forte, rationnelle et guidée par le bon sens, dans une société de plus en plus brutale et portée vers le vice. Le père doit justement etre celui qui doit lutter contre trop de permissivité, trop de liberté au sein de la cellule familiale. Toutefois, il se doit également, non pas de tomber dans une mièvrerie exagérée, mais d’instaurer un dialogue franc et sincère, en essayant d’adapter son langage à la sensibilité et à l’âge de chacun de ses enfants. Il doit s’impliquer dans les conversations quotidiennes, d’apporter et non d’imposer son avis, de permettre à ses enfants de faire des erreurs et d’en tirer ensemble des leçons.
En définitive, le père est un phare pour la famille africaine et cela nécessite un renouvellement d’efforts constants qui l’oblige parfois à créer et/ou maintenir une certaine distance humaine et psychique entre lui et sa descendance. Ce schéma amène les enfants à se tourner vers la mère pour tout problème immédiat rencontré et à créer plus d’affinités, contrairement à leur relation avec le père. C’est pourquoi le père, lorsque ses activités sont en passe de ralentir ou de s’arrêter à cause de l’âge, de la retraite, et/ou de la maladie, il peut ressentir le poids de la solitude et de l’isolement surtout si les enfants volent déjà de leurs propres ailes et qu’ils ont quitté le domicile familial, et qu’ils sont plus ou moins prompts à s’intéresser aux «difficultés» de la mère. Ainsi, le père se doit de redéfinir cette «distance» en privilégiant le dialogue avec sa progéniture quel que soit son âge et ne plus se positionner comme une «ombre lointaine et difficile d’accès».
BIBLIOGRAPHIE
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- SUTHERLAND (S.). Le dictionnaire international de psychologie (2ème édition), New York, Macmillan Press, 1966.
- WINNICOTT (D. W.), L’enfant, la famille et le monde extérieur, 1973.
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1 S. SUTHERLAND. Le dictionnaire international de psychologie (2ème édition), New York, Macmillan Press, 1966, 166. Impression.
2 Association psychologique américaine. Dictionnaire concis APA de psychologie. Washington, DC: American Psychological Association, 2009, 189. Impression.
3 J. W. SANTROCK, Enfants (12ème édition), New York, McGraw-Hill, 2013, 218.
4 Ibid., 225.
5 R. SKYNNER & J. CLEESE, Les familles et comment leur survivre, 1994, pp. 196-199.
6 Ibid., pp. 21-22; pp. 199-201& pp. 244-246.
7 D. W. WINNICOTT, L’enfant, la famille et le monde extérieur, 1973, pp. 115-116.
8 Ibid., pp. 116-117.
9 L. L. DUNLAP, Ce dont tous les enfants ont besoin, 2004, p. 79.
10 Voir l’article, «Figure paternelle». Article publié sur le site https://stringfixer.com et consulté le 08 juillet 2022.
11 E. GRATON, «La figure paternelle en psychanalyse», in Revue des politiques sociales et familiales, 2021/2-3 (n°139-140), pp. 79-88.
12 Pr. M. ALETUM TABUWE, Introduction à la sociologie générale – Summary Notes, Yaoundé, GRAPHICAM, p. 89, 145 pages.
13 Ibid., p. 90.
14 Ibid., p. 107.
15 Ibid., p. 97.
16 Ibid., p. 106.
17 Ibid., p. 107.
18 Ibid., p. 109.
19 Pr. M. ALETUM TABUWE, Sociologie Politique (3ème édition), Yaoundé, GRAPHICAM, 2008, p. 37, 242 pages.
- Quote paper
- Patricia Etonde (Author), 2022, Le père, ce mal-aimé. Une analyse socio-anthropologique sur la figure paternelle en Afrique, Munich, GRIN Verlag, https://www.hausarbeiten.de/document/1268760