Après avoir été confrontés aux transformations induites par la colonisation allemande, française puis britannique, les pouvoirs politiques traditionnels Bamoun et Duala vont se heurter aux mutations introduites par l’éclosion de l’État postcolonial camerounais. Il va s’engager un processus d’adaptation aux réalités sociologiques locales telles que la tribu, les langues vernaculaires, ou encore la territorialité qui va entrainer des divisions et des fragmentations au sein des communautés au nom de la récupération des ressources politiques nationales.
Table des matières
Résumé
Abstract
INTRODUCTION
LE POUVOIR POLITIQUE TRADITIONNEL BAMOUN FACE AU PLURALISME DE LA VIE POLITIQUE MODERNE CAMEROUNAISE
LE POUVOIR POLITIQUE TRADITIONNEL DUALA FACE AUX TRANSFORMATIONS SOCIOPOLITIQUES DE LA SOCIÉTÉ CAMEROUNAISE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Résumé:
Après avoir été confrontés aux transformations induites par la colonisation allemande, francaise puis britannique, les pouvoirs politiques traditionnels Bamoun et Duala vont se heurter aux mutations introduites par l’éclosion de l’Etat postcolonial camerounais. Il va s’engager un processus d’adaptation aux réalités sociologiques locales telles que la tribu, les langues vernaculaires, ou encore la territorialité qui va entrainer des divisions et des fragmentations au sein des communautés au nom de la récupération des ressources politiques nationales.
Abstract:
After having been confronted with the transformations induced by German, French and then British colonization, the traditional Bamoun and Duala political powers will come up against the changes introduced by the outbreak of the Cameroonian postcolonial state. It will engage in a process of adaptation to local sociological realities such as the tribe, the vernacular languages, or even the territoriality which will lead to divisions and fragmentations within the communities in the name of the recovery of national political resources.
Mots-clés: Pouvoirs politiques traditionnels Bamoun et Duala, Etat Postcolonial Camerounais, Réalités Sociologiques.
Keywords: Bamoun and Duala Traditional Political Powers, Cameroonian Postcolonial State, Sociological Realities.
INTRODUCTION
Le 1er schéma d’influence porte sur l’implantation progressive de l’administration coloniale allemande sur le territoire Bamoun et Duala. En pays Bamoun, les missionnaires ont été les premiers à créer le contact avec le royaume Bamoun et cela a abouti à une amitié fraternelle entre le missionnaire GOHRING et le Roi NJOYA. Cela a été une aubaine pour le peuple Bamoun qui a pu bénéficier de la dextérité allemande sur le plan militaire et dans le domaine des arts. Cette fraternité sera d’autant plus renforcée du fait de l’aide apportée par les Allemands au recouvrement du crâne du Roi NSANGOU par les Bamoun. De plus, le peuple Bamoun a participé aux guerres de conquête des autres peuples locaux pour bénéficier de nombreux privilèges de la part de la nouvelle administration. Quant aux chefs Duala, la dynamique principale tournait autour de la participation des commercants et négociants allemands dans la conquête du territoire au travers de la signature de différents traités dont le plus important est celui du 12 juillet 1884 et qui va marquer la naissance du Cameroun international. Cette emprise s’est le plus manifestée autour de la question foncière qui va aboutir à la démarcation entre quartiers «indigènes» et quartiers «blancs». Cette ségrégation va donner lieu à des revendications de la part des chefs Duala qui vont soit être destitués, soit déportés ou encore assassinés.
Le 2ème schéma d’influence porte sur l’adaptation faite par l’administration coloniale allemande vis-à-vis des entités politiques traditionnelles Bamoun et Duala. En effet, le Roi NJOYA a mis en place un certain nombre de contre-pouvoirs à savoir une religion syncrétique qui alliait à la fois les valeurs chrétiennes, musulmanes et Bamoun. Il s’est également insurgé sur l’acte du baptême qui selon lui, devait provenir de son pouvoir de guide spirituel suprême du peuple Bamoun et non de la culture occidentale. Il a produit une écriture inédite appelée le « Shumom » qui survit au temps et à l’espace. Il aura d’ailleurs aux yeux du monde une image de stratège politique, de bâtisseur et de visionnaire qui mettra fin au mythe de l’infériorité du Noir. Pour le contexte Duala, l’acquisition de certains droits douaniers et les rivalités économiques engendrées par la redevance salariale entre les chefs favorise l’éclosion d’une situation explosive. Bien que bénéficiant d’avantages financiers conséquents, les chefs Duala vont remettre en cause la suprématie allemande, du fait de la politique d’expropriation sur le plateau Joss. Ils engageront des pétitions, des attaques armées qui aboutiront le 08 août 1914 à la pendaison du Roi DOUALA MANGA BELL en compagnie de son cousin et secrétaire NGOSSO DIN.
Depuis le début du XXème siècle, de facon souterraine, puis au grand jour et de facon souvent spectaculaire depuis la Deuxième Guerre Mondiale, on assiste à tous les niveaux, dans toutes les catégories sociales et sous toutes les latitudes1, à un immense processus de désaliénation.
Bien entendu, ce phénomène ne saurait masquer l’action inverse, celle de l’uniformisation et de toutes les forces aliénantes qui sont aujourd’hui à l’œuvre, plus ou moins insidieusement, aussi bien dans les rapports économiques et sociaux que dans les luttes politiques2. Il semble bien d’ailleurs que ce soit précisément pour répondre à ce défi, dont on commence à prendre clairement conscience, que se développe cette revendication à la différence qui va de pair avec la désaliénation, si bien que le fait majeur depuis le dernier quart du XXème siècle est sans doute, selon la formule d’Henri LEFEBVRE, «la lutte titanesque où s’affrontent les pouvoirs homogénéisant et les capacités différentielles»3.
Il s’agit, entre autres, de démontrer que l’identité se construit aussi par le territoire, espace géographique produit affectivement, culturellement et symboliquement, et ce sous plusieurs aspects: celui des repères que l’homme construit dans cet espace, sous l’angle des rapports sociaux entretenus par les individus dans cet espace. A partir des postulats, on peut affirmer avec Chantal BLANC-PAMARD que «l’identité culturelle et l’identité géographique se fondent dans un même espace et donnent naissance au territoire» 4.
Les contributions contenues dans l’ouvrage édité par Claude-Hélène PERROT et François-Xavier FAUVELLE-AYMAR5 montrent l’évolution et les formes de pouvoirs coutumiers, leur transformation voire leur manipulation et leur résurgence à l’époque contemporaine. Elles montrent les rapports sociaux et politiques entre chefs et pouvoirs publics, surtout que les chefs, dans leur rôle d’intermédiaires entre l’Etat et leurs populations, sont dès l’époque coloniale, pris dans le harnais d’une double légitimité et d’une double loyauté6. De plus, Raymond LECOQ a découvert à sa base le développement d’un «esprit communautaire par des sociétés coutumières, qui discutent des travaux à entreprendre, des cotisations à verser pour les achats communs»7.
On comprend bien pourquoi Vincent MULAGO disait que: «L’africain ne vit pas dans sa propre vie, mais celle de la communauté. Il sait que détaché de cette communauté, il n’aurait plus de moyens matériels et spirituels d’exister. Il sait surtout que la vie est une participation à celle de ses descendants, et que sa conservation, son renforcement en dépend continuellement»8.
L’expression de «chef traditionnel» est elle-même inconnue du lexique des organisations sociopolitiques de l’Afrique précoloniale. C’est une innovation du colonisateur que l’Etat postcolonial a simplement récupéré et affiné.
En effet, originellement, cette expression est contemporaine de l’arrivée du colonisateur européen. Elle entre dans le vocabulaire juridique et administratif camerounais avec l’arrêté du 4 février 1953 sous l’expression «chef indigène». Ce texte détermine les chefs supérieurs, les chefs de groupements et les chefs de villages. Ce texte est complété par un deuxième arrêté pris le 1er mars 1933 qui reprend la répartition des subdivisions administratives comme suit: les chefferies supérieures, les lamidats ou sultanats9, les groupements ou cantons10, les villages ou quartiers11. Le chef traditionnel relève directement de l’autorité hiérarchique du représentant de l’Etat dans sa circonscription: son mode de désignation, ses responsabilités, son traitement financier et son régime disciplinaire en font un agent public. A ce titre, le juge administratif francais a décidé dans l’affaire GBOABAN12 que le chef de village doit être regardé comme un fonctionnaire local et que par suite, tout litige lié à sa nomination doit suivre la procédure administrative contentieuse telle que établie par les textes. Dans les pays Bamoun, Bamiléké et Peul notamment, les actuels chefs de 2ème degré ou de 3ème degré étaient nommés par les chefs supérieurs actuels. En transférant ce pouvoir à l’autorité administrative, le décret de 1977 à la suite de l’arrêté de 1933, a détruit ce chainon de dépendance qui tenait l’édifice du commandement traditionnel authentique13.
La toponymie est au cœur de la relation de la société avec l’espace et elle exprime une des facettes de la dimension politique de ce rapport. Elle est porteuse de sens, de valeurs, dans un espace construit et parfois pour un temps donné, en rapport avec les groupes sociaux14. Elle participe au découpage de l’espace, un territoire identifié et nommé, étant un territoire défini et délimité. La toponymie relève d’une intentionnalité. Les lieux et ces territoires ont un sens et pour chaque communauté, la toponymie est porteuse de sens15. On n’hésite d’ailleurs pas à employer la notion d’autochtonie pour remettre en question les droits des «autochtones». Les pratiques d’exclusion qui en découlent ont pu s’appuyer sur un principe commun d’antériorité deshistoricisé synthétisé par Jean-François BAYART et Peter GESCHIERE dans la formule «j’étais là avant16 »; principe qui a réussi à exprimer et à naturaliser des clivages sociaux.
Cette autochtonie se décline sur des modes divers entre autres des rhétoriques de l’appartenance à l’ancestralité; sa force semblant résider surtout dans sa capacité à articuler différents niveaux d’identité dans un contexte de volatilité des processus économiques et politiques17.
LE POUVOIR POLITIQUE TRADITIONNEL BAMOUN FACE AU PLURALISME DE LA VIE POLITIQUE MODERNE CAMEROUNAISE
Le pluralisme politique au Cameroun se manifeste par l’existence de plusieurs formations qui, chose normale dira-t-on, n’ont pas le meme poids dans l’espace politique. Si le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, parti au pouvoir, apparait comme une formation politique étendue sur l’ensemble du territoire, avec des extensions dans certains pays d’Europe comme la France ou l’Angleterre, ce n’est pas forcément le cas de l’Union démocratique du Cameroun, présentée longtemps encore comme un parti régional, si ce n’est une formation politique ayant pour base électorale des membres de la communauté Bamoun18.
Ainsi le caractère tribal, voire régionaliste, est un facteur qui viendra rendre compte de l’incapacité de certains leaders à pouvoir convaincre, par leur programme, l’électorat dans sa diversité socioprofessionnelle, linguistique et culturelle. En effet, la pratique politique au Cameroun s’est toujours confrontée à la question des identités fragmentaires où l’adhésion à une formation politique ne se fait pas sans lien à l’origine ethnique du principal leader et de la représentativité ethnique du principal leader et de la représentativité ethnique des membres influents de ladite formation, lorsque ce ne sont pas simplement des réseaux clientélistes qui sont mis en jeu. C’est ainsi que le déploiement de certaines formations politiques sur des terrains acquis à la cause d’autres partis n’est pas toujours chose aisée, dans la mesure où des résistances et meme des confrontations sont parfois enregistrées.
Dans ce cadre on a pu dégager, au-delà de l’existence de plusieurs formations politiques dans le Noun, une perception différente du rapport à l’autre, le frère, le parent ou le chef de famille, construite sur la base de l’appartenance, de fait ou imaginaire, de l’autre à l’une des deux grandes tendances politiques présentes dans la localité. Il existe deux grandes formations politiques qui se partagent les voix électorales dans le Noun et animent les débats qui déstructurent les liens familiaux: il s’agit du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) – parti au pouvoir – et l’Union démocratique du Cameroun (UDC) dont le leader charismatique, à savoir Adamou NDAM NJOYA, est un fils de la cour royale. Il y avait également des familles Bamoun ayant un ancrage politique rattaché à l’UPC, notamment la famille de Félix-Roland MOUMIE qui, à l’époque des revendications nationalistes des années 1960, était secrétaire général de l’Union des populations du Cameroun (UPC). Au fil des années, cette famille s’est ralliée à l’UDC19.
Cette bipolarisation de la société Bamoun va également s’observer sur le plan religieux, avec la cohabitation de deux grands mouvements religieux, l’islam d’un coté et le christianisme de l’autre. Dans l’imaginaire populaire local, le RDPC est présenté comme étant le parti des chrétiens et des élites urbaines, avec l’ensemble des fonctionnaires de l’administration publique camerounaise, des intellectuels et d’autres hommes d’affaires, bref, le parti qui rassemble tous ceux qui sont soucieux de leur carrière professionnelle et de leurs activités économiques. Les autorités traditionnelles se devaient dès lors, comme par le passé, de poursuivre leur mission d’auxiliaire de l’administration en contrôlant les opinions subversives qui pouvaient naitre dans leur circonscription de commandement. A coté, on trouve donc l’Union démocratique du Cameroun (UDC), formation ayant une assise régionale, perçue comme étant le parti des musulmans et constituée par la masse rurale et l’ensemble des classes défavorisées20.
L’histoire politique dans le pays Bamoun retient que c’est non seulement l’UDC qui est venue mettre un terme à plus de quarante ans de contrôle de la municipalité par la chefferie traditionnelle, mais aussi à cristallisé les tensions entre les membres d’une meme famille au nom de la politique. Le fait majeur qui sous-tend ces antagonismes est que la légitimité politique de l’actuel Sultan (aujourd’hui décédé), Ibrahim MBOMBO NJOYA, a été fragilisée par la perte des élections municipales (RDPC) contre son cousin Adamou NDAM NJOYA, leader de l’UDC. Pour notre informateur NJOYA, résidant à Yaoundé: «On a longtemps vécu une situation où la mairie était détenue par le palais… L’ancien Roi, notamment le père de l’actuel, avait été pendant longtemps maire de Foumban. Ce qui fait que l’autorité traditionnelle était quelque peu confondue avec l’autorité municipale. En 1996 je pense, l’UDC est venue ravir la vedette au RDPC, gagnant les élections municipales. Ce qui dans les mœurs n’était pas imaginable. Cela a créé une crise en ce sens que c’est le royaume, à travers le Roi, qui avait la mainmise sur les terres»21.
Depuis lors, l’autorité morale du monarque a été sérieusement fragilisée, écartelée entre la réaffirmation de son attachement au parti au pouvoir et la restructuration de son autorité morale déconstruite par la démocratisation de la parole. Pour Ibrahim, ingénieur, il est clair que: «L’adhésion d’une bonne partie des Bamoun à l’UDC est quasiment comme une sanction que le royaume entretient avec les populations sont remises en cause par le peuple. Et le contexte politique vient créer un prétexte avec ces liens de domination»22.
La fragilisation des liens familiaux au sein des familles Bamoun va donc se renforcer au fil des années, au rythme de ce bicéphalisme de l’espace politique, du jeu d’intérêts et du clientélisme politique. Car, autant l’UDC a longtemps été présentée comme le parti politique de la communauté Bamoun, autant le parti au pouvoir entend conserver sa position de parti leader qui laisse peu de chance à ses adversaires politiques. Or, les enjeux électoraux sont si importants pour les élites du Noun, celles qui se reconnaissent comme militantes du parti au pouvoir, qu’il ne serait pas judicieux de laisser le Noun à l’opposition. Ce serait non seulement une perte de confiance vis-à-vis du pouvoir en place, mais aussi une perte d’autorité des chefs de familles devant les jeunes et leurs enfants23.
Pour MIMCHE, fils du terroir rencontré lors d’un entretien approfondi, il est clair que: « Le militantisme dans l’un ou l’autre parti traduit l’appartenance à une catégorie sociale. Pendant longtemps, cela était le cas et l’UDC est restée un parti d’expression des catégories sociales un peu vulnérables, notamment les agriculteurs, les paysans,les ménagères, etc.» (Mimche H. & Alawadi Z., 2011)24.
Ainsi, le caractère aristocratique de la royauté et les frustrations séculaires des peuples marginalisés et défavorisés du royaume, auquel s’ajoute la fronde de certaines couches de population soucieuses de changement du système politique, vont activer les tensions sociales et politiques dans le Noun. Si ces formes de contestation populaire s’expriment de manière dissimulée au sein des familles, elles se trouvent ravivées en période de surchauffe électorale. Aziz NJOYA soutient à ce titre que: «Dans toutes les familles il y a deux camps qui s’affrontent. Il y a le camp des rdpécistes et il y a le camp des udcistes. Officiellement, ils ne vont pas se revendiquer comme tels, mais dans leurs différents comportements, on l’observe… Généralement lorsqu’il y a un évènement dans la famille, lors des prises de parole, le RDPC veut intervenir et l’UDC veut aussi intervenir. Ces interventions ne sont pas à but funéraire ou religieux, c’est généralement des interventions politiques. C’est des messages qu’on passe, des sensibilisations qu’on fait. Et l’ordre dans la prise de parole est un élément très important où quand untel a parlé, l’autre ne doit plus parler. Et cela créé des bagarres dans les familles»25. Avec le temps également, ces clivages sur la base du positionnement politique se sont quelque peu dilués, en l’absence d’un véritable changement au niveau des collectivités territoriales décentralisées où l’UDC a eu le monopole de la gestion de ces unités pendant plusieurs décennies. Comme conséquence à cette bipolarisation de l’espace politique dans le Noun, il se trouve que le fait politique s’invite dans des manifestations familiales organisées, en fonction de l’ampleur de l’évènement et de la capitalisation politique qui peut en découler.
NSANGOU, un autre informateur rencontré à Foumban, soutient alors que le milieu rural demeure le cadre propice d’observation de ces rivalités entre frères du Noun, au nom de la conquête de l’électorat, où toute occasion de rassemblement est récupérée et capitalisée à des fins politiques. Il soutient à ce titre que: «Dans les zones urbaines, ces tensions ne sont plus très visibles, mais par contre dans les zones rurales, ces tensions restent d’actualité autour des chapelles politiques… elles sont souvent vécues dans les cérémonies familiales, les pratiques funèbres. Autour des obsèques d’un parent, on peut voir des luttes politiques manifestées en termes de contribution financière, d’assistance ou de prise de parole en public»26. Ainsi, une cérémonie familiale devient un espace d’expression politique, ravivée par des tensions latentes qui traduisent aussi bien la contestation du système politique en place que des membres qui le représentent27.
Parfois meme, il existe des cas où des membres de la famille concernés par l’évènement, mais appartenant à une autre chapelle politique, cultivent une résistance, une réticence meme à demander ou à accepter des aides provenant des membres d’un autre bord politique. L’informateur MIMCHE va dans le meme sens en affirmant que: «(…) la bipolarisation de l’espace politique dans les familles a entrainé parfois le renforcement d’une certaine catégorisation et meme une stigmatisation… Il y a eu des deuils ou des cérémonies où des gens refusent de manger, parce qu’on confond tout à l’argent du RDPC… On a vu des cas où des gens juraient qu’ils ne demanderaient pas des services à des parents parce qu’ils appartiennent à d’autres chapelles politiques. Il y a eu des cas où des offres, des dons sont offerts, mais des gens refusent carrément de les prendre parce qu’ils n’appartiennent pas à une meme formation politique»28. Cette observation permet de constater que le fait politique, dans sa composante portant sur la liberté d’expression et d’appartenance politique, n’a pas que des conséquences «heureuses» pour des sociétés où la contestation du pouvoir du chef, qu’il soit monarchique ou unitaire, se faisait par le détour de la parole ou le silence. Tout ou presque devient sujet à controverse, meme une simple causerie avec les «gens d’en-bas» peut dégénérer en une véritable crise familiale29.
Dans l’esprit de beaucoup, la simple remise en cause d’un discours peut en venir à etre suspectée, et meme parfois rapportée à des interprétations politiques. Plus encore, lorsque la nature de la discussion est orientée vers la critique de la gouvernance de l’UDC, cela créé des suspicions meme si l’affiliation politique du discutant n’est pas clairement déterminée.
Dans cette mouvance faite de suspicion et de tension, meme la simple discussion entre frères devient problématique, par exemple parce que les positionnements, voire simplement les questionnements politiques se heurtent à des positionnements sociaux hérités de la tradition et qui, pour l’occasion, sont réactivés dès lors qu’ils permettent d’éviter la discussion, d’y mettre un terme.
D’où ce témoignage de notre informateur Ibrahim, où l’on voit comment la mobilisation des hiérarchisations sociales traditionnelles (ici la différence d’âge) permet de réinterpréter cette volonté de discuter en atteinte au respect de l’ainé: «J’ai un frère, un cousin, qui, compte tenu de son âge un peu avancé par rapport au mien, pense que je ne peux pas le raisonner, c’est-à-dire l’amener à questionner un peu ses opinions politiques de manière critique. Quand j’arrive au village, il me dit que le président de l’UDC est allé aux Nations-Unies et s’est battu pour que le prix du café augmente. Je l’ai invité à discuter et il a dit qu’il ne peut meme pas m’écouter… Il dit que «nous, on est arrivé avec nos idées, là», parce que je lui ai demandé comment se négocient les prix du café avec l’OMC? A partir de là c’était la distance. On ne se saluait plus pendant des mois. Il a dit à ses enfants de ne plus me parler, parce que je viens je veux les convertir aux logiques du RDPC, alors que je voulais juste l’amener à comprendre les logiques qui sous-tendent le commerce international et que le président d’un parti n’a rien à voir là-dedans»30.
Le caractère profond de ces tensions familiales à orientation politique trouve parfois sa source dans la nature des relations qu’entretiennent les chefs de familles avec le sultanat. Car il existe des cas où les chefs ont une autorité et une responsabilité traditionnelle, parfois directement alliée au sultanat31.
Dans certains cas, les élites traditionnelles seront tiraillées par la nécessité d’assumer leur statut traditionnel avec des implications politiques par rapport au sultanat, et les contraintes de la masse de personnes qu’elles gèrent dans la famille. Ce qui concourt à fragiliser l’autorité parentale, dans un contexte de modernité où une confusion s’est installée entre le fait politique et les affaires de familles.
C’est l’expérience que vit Aziz NJOYA dans sa famille: «Mon grand-père est Nji, donc grand notable et était grand chef, il est soumis au royaume et est dans le RDPC. Il y a aussi des notables dans la famille où certains sont dans le RDPC et d’autres dans l’UDC. Ca crée des situations qui sont telles que parfois il y a des confusions où l’autorité du chef de famille, qui est le grand-père, est remise en cause du seul fait qu’il appartient au RDPC. Le respect qu’il mérite en tant que principal responsable traditionnel de la famille est fragilisé»32. Cette reconfiguration du paysage politique a profondément bouleversé la nature des relations entre les membres d’une meme communauté, au point où un simple débat peut dégénérer en une crise intergénérationnelle ou familiale. Ces tensions ont eu également des conséquences sur le plan religieux, avec non seulement la naissance d’autres confréries religieuses, mais aussi d’autres lieux de prières et d’autres mosquées au sein de la communauté musulmane. Il y a des gens qui estiment que la fête doit etre faite avec le leader de l’opposition Adamou NDAM NJOYA et non avec le sultan, considéré depuis des années comme le chef religieux de toute la communauté musulmane Bamoun.
Ainsi, le militantisme politique se lit comme une affaire de famille et devient, dès lors, un facteur de déconstruction des liens ou de (re)construction des rapports à autrui, qu’ils soient familiaux ou sociaux33.
LE POUVOIR POLITIQUE TRADITIONNEL DUALA FACE AUX TRANSFORMATIONS SOCIOPOLITIQUES DE LA SOCIÉTÉ CAMEROUNAISE
Le système foncier est le produit de l’histoire politique. La colonisation de l’espace s’est faite sur le mode lignager… Le chef de lignage, titulaire, concédait aux autres membres du lignage des droits de culture permanents transmissibles par voie d’héritage34.
Paul PÉLISSIER rappelle par ailleurs les trois principes qui régissent la terre: premièrement, c’est le défrichement qui fonde le contrôle foncier, c’est l’exploitation du sol, sa mise en valeur qui signifie la pérennité de la tenure; ensuite, tout membre de la communauté a accès à l’utilisation du sol en fonction de sa capacité de travail et de ses besoins, de sorte que le concept de «paysan sans terre» est totalement étranger dans la culture africaine; enfin, le troisième principe fondateur, sans doute le plus original et le plus menacé est que les vivants ne sont que les usufruitiers d’un bien qui ne leur appartient pas et qui par conséquence est inaliénable35. L’impact de la colonisation allemande sur l’avenir foncier s’exprime à travers la «Kronland Verordnung»36 de 189637.
Dans les années 1920, l’administration coloniale francaise met en œuvre ce projet de zones commerciales et résidentielles distinctes dans la ville coloniale de Douala, ainsi que la construction d’un port moderne sur les résidences traditionnelles des clans Duala sur la rive du fleuve. En tant que propriétaires fonciers des terres de l’arrière-pays qui leur sont attribuées à New Bell38, les Duala, en tant que minorité de plus en plus petite, ne sont pas plus populaires parmi les immigrants de l’intérieur. Certains de leurs locataires déclarent qu’ils n’ont pas changé leur mentalité de marchands d’esclaves39.
Éric DE ROSNY raconte dans «Les yeux de ma chèvre»40, un épisode typique: «Les Duala et leurs proches, le bord de la rivière Wuri et la population côtière craignent l’invasion écrasante des Bamiléké, qui ont déjà occupé la moitié de la ville. Ces derniers accusent les Douala de louer leurs terres à des prix exorbitants. La réalisation d’unir les deux communautés dans une seule église et de chanter alternativement la première chanson sur Douala, la suivante sur Bamileke et ainsi de suite ne peut chanter suffisamment le pasteur»41. Dans les années 1920, une littérature apparait qui éclaire l’image de la période coloniale allemande – comme une forme de résistance anticoloniale, parfois même de nostalgie, alors que la domination étrangère se perpétue42. La justice «jengu» précoloniale et la justice coloniale allemande toutes deux reçoivent la réputation de justice efficace43.
Dans le domaine de l’éducation également, il y a eu une attitude nostalgique en faveur des Allemands44. Le qualificatif d’immigrant, depopulations venues d’ailleurs ou d’allogène est porteur de nombreuses connotations péjoratives pouvant dès lors conduire à une stigmatisation de la population que l’on considère comme tel. Les distinctions ainsi faites, souvent l’expression des droits fonciers, constituent, dans certaines régions, la cause des conflits fonciers entre ceux qui se disent autochtones et ceux qui réclament le droit à l’autochtonie45. Le système foncier coutumier va vaciller. Plusieurs éléments nouveaux vont progressivement entrainer la transformation.
Il s’agit de l’introduction et de l’expansion des cultures commerciales notamment le café comme source primaire de revenu monétaire pour la plupart des populations, la monétarisation des transactions foncières et la tendance de plus en plus marquée de considérer la terre comme une marchandise ordinaire, la croissance démographique, et l’augmentation des cheptels46. De fait, l’ordonnance impériale fixant le régime foncier fait du Reich le propriétaire de ce qu’on appelait terres «vacantes et sans maitre»47 48. Elle permet au gouvernement allemand de passer par des commissions foncières pour faire de toutes les terres qui ne sont pas entre des mains privées ou effectivement exploitées de manière collective par une communauté villageoise des propriétés de la couronne.
On voit ici l’entrée en scène d’une autorité suprême étrangère aux populations, laquelle se réserve le droit de déterminer ce qui revient à ces populations et ce qui ne leur revient pas. De plus, elle reconnait la propriété privée, d’où une tendance à la juxtaposition de deux modèles puisqu’à coté de la propriété dans une main privée peut exister la possession collective d’une collectivité villageoise, la seule condition dans ce dernier cas étant que la terre soit effectivement mise en valeur.
Sous le mandat de la Société des Nations49, l’administration francaise par un décret le 12 janvier 1927 et celui du 21 juillet 1932 étendit la législation foncière de l’Afrique Équatoriale Francaise50 et au Cameroun. Ces décrets s’inscrivaient dans la continuité des terres «vacantes sans maitre» comme sous l’administration allemande et permettaient aux autochtones d’entrer en possession des terres par l’établissement d’un titre foncier51.
Ce droit a été utilisé pour intégrer les terres coutumières au domaine de l’Etat, afin de les attribuer ensuite aux compagnies coloniales52. Après la Seconde Guerre mondiale, les Dualas aspirent à une unité plus large et politiquement influente avec les peuples de la région côtière liés par la langue. Ils professent être connus sous le nom de «Sawa» et depuis 1949, ils organisent le festival annuel «Ngondo» dans le district de Deido à Douala avec des régates célèbres de pirogues, initialement organisées à la date du «contrat de protection» de 1884 jusqu’à ce que le festival soit déplacé à la saison sèche en décembre. Les longues pirogues ornées de becs colorés ornent chaque brochure touristique aujourd’hui. Les pirogues de guerre des anciennes élites Duala y renaissent. Le rituel traditionnel Ngondo pour apaiser les dieux de la rivière n’est pas oublié, mais joue un role subalterne par rapport à l’évènement sportif et social53.
Depuis l’indépendance du Cameroun, de plus en plus d’immigrants de l’intérieur ont permis à la «Megapolis Douala» de proliférer et jusqu’à présent tout l’urbanisme planificateur est devenu un déchet. Chaque nouvel axe de circulation devient le point de départ de nouveaux établissements sauvages54. Les Duala d’aujourd’hui sont divisés en Duala urbains et ruraux. Ceux qui vivent dans les villes, en particulier à Douala même, gagnent principalement leur vie dans divers emplois savants et non qualifiés. Beaucoup de Duala possèdent encore des parties de la ville, ce qui leur permet de vivre de loyers et d’investissements. En revanche, les couches rurales des Duala travaillent comme pêcheurs et agriculteurs, principalement au niveau de la subsistance. La pêche est «l’activité de leur choix»55.
Les allogènes ne constituent plus une masse homogène tout au plus divisée en «lettrés» et «non-lettrés»: apparaissent à présent les «Yaoundé», les Bamiléké, les Bassa…Parmi ces éléments, ce furent d’abord les «Yaoundé» qui dominèrent en nombre, ce qui leur valut de voir l’un des leurs promu au grade de Chef Supérieur des Camerounais étrangers à la ville – jusqu’à cette date, les allogènes relevaient des Chefs Supérieurs autochtones… Après les «Yaoundé» venaient les «Grassfield» ou Bamiléké, éléments que l’administration regardait avec une certaine méfiance: «(Ils sont les intermédiaires, les profiteurs de la situation. Ils réglementent la vie indigène et se sont créés une situation des plus avantageuses. Ils ne sont pas aimés mais on su se rendre indispensables)»56.
Bientôt, plus exactement en 1938, ils supplanteront les groupements d’origine Béti-Fang. Acceptant de travailler pour un maigre salaire, ainsi que dans les emplois les plus humbles, les immigrants «Grassfield» prennent toutes les places qui autrefois étaient presque entièrement détenues par les Duala. Les Duala qui se considéraient comme un peuple de gentilshommes, et dont bien souvent la paresse et l’insolence n’ont d’égal que la canaillerie, se sont vu préférer par les employeurs européens des immigrants Bamiléké, et pour les emplois commerciaux importants, des étrangers: Dahoméens, Lagotiens… Autre signe des temps, quelques «Grassfields» aisés sont parvenus à épouser des filles «Douala»57.
En effet: «A force de se considérer comme trop nobles pour ne traiter ses affaires que par personne interposée, ajouta l’administrateur, la population autochtone se voit petit à petit reléguée au second plan par les étrangers. Il en est de même pour les planteurs qui finissent par se faire dépouiller, lopin de terre, des plantations qu’ils possèdent dans les subdivisions voisines. Il y a là un phénomène devant lequel nous devons adopter une attitude bien définie: ou laisser faire et même favoriser l’immigration extérieure, ou au contraire sinon l’arrêter du moins la freiner»58. De toute facon, il n’était plus possible de freiner cette immigration, de plus, il y avait aussi de vieux comptes à régler. C’est donc avec sérénité que l’on enregistrait qu’ «après avoir été eux-mêmes envahisseurs, les Duala vont connaitre à leur tour la situation d’envahis et peut-être même celle de refoulés. Cela sous une forme pacifique certes»59.
Ainsi, l’administration comprenait enfin que l’«attachement féroce des Douala au sol (n’était) au fond que le sentiment inconscient de cette situation».60 En 1941, l’administrateur de Douala dans son rapport les décrira ainsi: «Nous n’avons plus affaire à des sociétés homogènes, mais à des agrégats d’individus disparates. Ce n’est peut-être pas un mal, pour le but que je recherche, qui est de les faire travailler pour augmenter leur bien-être physique et moral» 61. Le même administrateur pensait également que «ces milliers d’indigènes, d’étrangers… de toutes les tribus et de toutes provenances auraient vite fait d’absorber les Douala, si (on) ne les en (empêchait).
Parfois, il m’est arrivé, révèle l’auteur, de me demander si nous ne devions pas favoriser les étrangers au détriment des Dualas qui, à beaucoup de points de vue, sont peu intéressants» 62. Béti-Fang, ainsi que Bamiléké retenaient toujours l’attention, ils pouvaient à la longue «absorber l’autochtone si ce dernier ne réagissait pas à temps».
Le dilemme devant lequel se trouvait l’administrateur donnera lieu plus tard à une double politique; l’une «pro-duala», l’autre «pro-allogène». Douala, divisée en 04 (quatre) cantons ou chefferies jusqu’en 1930, comprenait les cantons de Bell, d’Akwa, de Deido et de Bonabéri, tous Duala et ayant à leur tête des chefs supérieurs responsables des leurs et des étrangers à la ville.
Ensuite, elle en comporta 06 (six): les cantons susnommés auxquels on joignit la chefferie des étrangers camerounais à la ville et celle des étrangers africains non-camerounais. En 1944, elle comptera 04 (quatre) chefferies autochtones, et 05 (cinq) chefferies allogènes, et la région, villes et environs, en rassemblera 10 (dix) avec le canton originaire Bassa, de tout temps indépendant vis-à-vis des Duala. Après l’élévation au rang de chefferies des groupements Bamiléké et Bakoko, New-Bell, devenait le quartier de l’avenir et en même temps le point noir de la ville63.
«L’administration disposant des textes domaniaux qui sont encore en vigueur au Cameroun» 64, écrivait le chef du bureau domanial de la région du Wouri, … «a renoncé à appliquer l’article 1er du décret de 1938 relatif à la domanialité des terres vacantes et sans maitre ou inoccupées et inexploitées depuis plus de 10 ans – ceci pour des raisons purement politiques. Or seule l’application de cet article aurait permis de concilier les intérêts des Dualas et des étrangers – mais il est impossible de revenir à l’application intégrale du décret de 1938. Un essai de délimitation des cantons, entrepris depuis un an65, n’a pas donné les résultats escomptés. Le canton est une division administrative qui ne correspond pas obligatoirement à une collectivité coutumière. Le Haut-commissaire peut, par arrêté, définir les limites d’un canton, mais ces limites ne sont pas toujours celles des terres coutumièrement détenues par les ressortissants du canton considéré. En particulier, un individu peut solliciter la reconnaissance de ses droits fonciers sur une parcelle comprise à l’intérieur des limites du canton voisin»66.
En tant qu’autochtones, les Duala occupaient une place à part non seulement vis-à-vis des étrangers africains à la ville, mais aussi vis-à-vis des étrangers d’origine «blanche». Ils étaient chez eux et montraient que c’était eux qui recevaient les autres, quel que soit le statut de ces derniers. Les étrangers quant à eux, pouvaient considérer la ville comme un lieu de passage, mais tôt ou tard, la plupart pensaient s’y établir et occuper une autre position que celle d’hébergé.
Les Blancs s’ils étaient étrangersn’étaient pour ainsi dire nulle part: ils avaient créé la ville et le Territoire, aussi pour eux les étrangers africains et les autochtones faisaient partie, en quelque sorte, de leur réalisation. Les Duala se trouvaient donc compris entre des étrangers dissemblables à tous points de vue: entre des non-propriétaires bénéficiant d’un simple droit d’usage toléré et d’autres non-propriétaires dispensateurs de tous les droits, ceux qui existaient déjà compris67.
La segmentation historique de la ville de Douala68 se perçoit dans la dénomination des quartiers. Dansla spatialisation des peuples, les préfixes «Log, Ndog, Bona», selon le regroupement ethno-identitaire, renvoient au village, à la tribu, au clan ou à la famille. «Log» correspond aux populations Bakoko, identifiant les quartiers comme Logpom69 ou Logbaba. L’expression «Ndog» détermine les populations Mba n’saa Wouri70, d’où les quartiers comme Ndogkoti, Ndogsimbi, Ndogbong. Le préfixe «Bona» fait référence aux populations Duala situant les quartiers tels que Bonapriso, Bonanjo, Bonamoussadi. Cette identification est fonction des sédimentations issues de guerres tribales pour l’occupation des terres et l’élargissement du clan. Dans la cosmogonie Sawa, l’ainé des garçons avait la possibilité, une fois adulte et marié, de quitter la case paternelle pour fonder sa propre famille tout en gardant un lien avec son clan d’origine, d’où la proximité entre ces différents villages-quartiers71. Au regard du projet colonial de sédentarisation des indigènes venus de l’arrière-pays, et puisque le migrant appelle le migrant, les logiques d’occupation de l’espace dévoilent une lecture fondée sur les particularismes identitaires72. Le grand quartier New-Bell73 illustre ce rapport entre autochtones et allochtones74. A l’aube de la pénétration coloniale, il constitue un «no man’s land» entre les Sawa et les autres tribus.
Ce quartier représente un véritable microcosme des populations allochtones avec des subdivisions comme New-Bell Mbam-Ewondo (New-Bell terroir des Ewondo)75, New-Bell Bassa (New-Bell des Bassa)76, New-Bell Bamiléké (New-Bell des Bamiléké)77, New-Bell Haoussa (New-Bell des Haoussa).78 79
La valorisation identitaire tenant compte du regroupement des peuplades donne également naissance à des quartiers comme Bamenda80, le camp Yabassi81, le quartier Bafia82. De même, certains groupes ethniques catégorisent ces espaces en fonction de leur attachement à ce «nouveau terroir» désormais le leur. La juxtaposition des quartiers Nkolmintag83 et Nkololoum84 et la rue Njong mebi85, en langue Ewondo, en sont une illustration. A l’époque coloniale, cette rue très insalubre était empruntée par les populations Béti qui l’ont nommée ainsi86. Loin de se fondre dans l’agglomérat de l’urbanité, la ville se forme au travers des poches de résistance, vestiges de la segmentation ethnique caractérisant les populations87.
L’allégeance citoyenne des populations se construit dans la capacité des autorités publiques à permettre un mode de vie souterrain justifiant la construction sociale d’une contre-hégémonie88. L’acquiescement des «dominés» aux valeurs de l’ordre social est dans l’acceptation par l’autorité publique du volume discursif et des symboliques déterminées par la logique populaire. Dans cet ordre, la Rue de la joie abrite deux vestiges de l’histoire sociopolitique de Douala, à savoir la chefferie DEIDO et le 1er bureau de poste de la ville, qui se trouvent au milieu de maisons closes, clubs de nuit, restaurants et autres ventes-à-emporter89.
La ville est alors «décrite comme un opérateur qui, sans gommer les différences, articule au contraire dynamiquement de multiples identités intermédiaires sous une appartenance commune» 90. La ville existe dans cette «capacité» des autorités traditionnelles à accepter de manière évidente les mutations sociales qui leur enlèvent le contrôle sur une bonne partie de leurs sujets, à savoir les allochtones. Les chefs sont toutefois consultés pour donner leur avis sur les litiges fonciers, du fait qu’ils sont censés connaitre l’occupation des sols: être «apprécié comme autochtone» permet de prétendre légitimement par des «droits historiques» à la terre urbaine. D’ailleurs, au plus fort des villes mortes en 1991, des voix se sont élevées parmi les élites Sawa pour demander aux Bamiléké industriels et commercants possédant les grands immeubles de Douala de restaurer les terres volées et de retourner chez eux91.
Par ailleurs, l’ordre du discours sur les espaces devient une valeur attachée à une symbolique politique, déterminant le sens que les populations donnent à leurs actions; le nom d’une rue ou d’un quartier matérialisant son ancrage politique. Le quartier Maképé Maturité, encore appelé Maképé Opposant, détermine l’inclination des habitants de ce quartier pour la contestation et induit une surveillance accrue de la part des autorités publiques. Dans le même ordre d’idées, le quartier Shell New-Bell fait référence de manière explicite aux populations Bassa proches de l’Union des populations du Cameroun (UPC)92.93
Ainsi, l’UPC commence toujours sa campagne politique à Shell New-Bell, qui est son point de ralliement. De même les populations Béti proches du RDPC94 ne peuvent faire l’économie d’une réunion au quartier New-Bell Mbam Ewondo ou au quartier Nyalla. Le «Social Democratic Front», de son côté, tient naturellement ses rassemblements à Bonabéri, quartier majoritairement anglophone, ainsi qu’à Bépanda An 2000 où les populations Bamilékés lui sont favorables. Les noms de quartiers constituent de fait les fiefs électoraux des acteurs politiques et déterminent l’ambivalente identité des partis politiques camerounais. De manière naturelle, l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), dont le leader BELLO BOUBA MAIGARI est originaire du grand Nord, investit le quartier New-Bell Haoussa. Par ailleurs, le RDPC dispose de Douala II (Quartier New-Bell) d’une règle non-écrite du contrôle politique, à savoir: le siège de député pour les Béti et le maire Bamiléké. A Douala V, les postes politiques majeurs95 se répartissent entre les «Mba n’saa Wouri» et les Bamiléké. Douala I reste un fief Douala par-delà les clivages politiques, alors que Douala IV- Bonabéri se dispute entre anglophones, Bamiléké et Duala96.
En définitive, la ville, comme un champ social, lieu de création et d’effervescence sociale et culturelle, met en lumière les aspects adaptatifs et fonctionnels de ses activités, les ressorts propres de sa croissance et de son pouvoir97. Le territoire de la ville de Douala a su absorber toutes ses différences pour constituer aujourd’hui un «melting-pot» qui oppose et associe tradition et modernité, autochtones et allochtones, indigènes et civilisés, urbains et ruraux. Il en résulte une juxtaposition de toutes les tendances cosmopolites du Cameroun, qui se manifeste le plus souvent lors des échéances électorales.
CONCLUSION
Les pouvoirs politiques traditionnels Bamoun et Duala se sont positionnés par rapport à l’Etat postcolonial qui s’est approprié les moyens et méthodes des administrations coloniales allemandes en faisant intervenir des facteurs locaux tels que la communauté, la langue, la religion entre autres. Dans le cas du pouvoir politique traditionnel Bamoun, il a été observé une certaine fragilisation des liens familiaux résultant de l’appartenance à diverses chapelles politiques au sein d’une meme famille. La famille politique prend ainsi le pas sur la famille biologique. Concernant le pouvoir politique traditionnel Duala, la question foncière a entrainé une certaine fragmentation territoriale entre différents groupes ethniques qui peuplent la ville de Douala et illustrée par l’appellation de certains lieux d’habitation. Ce mélange se manifeste également lors des échéances électorales où certaines mairies reviennent d’office à des communautés ou à des groupes sociaux dits allogènes au détriment des «premiers» habitants.
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[...]
1 Ceci est autant valable pour l’Hémisphère Nord (que pour l’Hémisphère Sud).
2 Cette question a été largement examinée dans un ouvrage collectif dirigé par S. G. MICHAUD, Identités collectives et relations interculturelle s, Bruxelles, Éditions complexes, 1978.
3 H. LEFEBVRE, Le manifeste différentialiste, Paris, Gallimard, Col. Idées, 1970, pp. 93-98.
4 C. BLANC-PAMARD & L. QUINTY-BOURGEOIS, Introduction, 1999, p. 11.
5 C. H. PERROT & F.- X. FAUVELLE AYMAR (éds), Le Retour des rois, les autorités traditionnelles et l’Etat en Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2003.
6 J. TCHINDA KENFO, Colonisation, quêtes identitaires, pratiques élitistes et dynamiques socio-politiques dans les Bamboutos (Ouest-Cameroun), XIX – XX siècle. Thèse pour le Doctorat Ph/D en Histoire. DEA en Histoire. Option: Histoire des relations internationales, p. 23.
7 R. LECOQ cité par J-M. KENNE, Dynamique des systèmes de production, pp. 38-39.
8 V. MULAGO, Théologie africaine et problèmes connexes. Au fil des années (1956-1992), Paris, L’Harmattan, 2007. In F. KANGE EWANE, Semence et moisson coloniales, un regard d’africain sur l’histoire de la colonisation, Yaoundé, CLÉ, 1985, p. 60.
9 Chefferies de 1er degré.
10 Chefferies de 2ème degré.
11 Chefferies de 3ème degré.
12 CE 1953.
13 Lire T. MONFON YOUCHAWOU, «Le contentieux de la désignation des chefs traditionnels», article publié le 13 avril 2016 sur le site «www.overblog.com» et consulté le 1er octobre 2021.
14 S. LIMA, «L’émergence d’une toponymie plurielle au Mali», in L’espace politique (en ligne), 5/2008/2. Article mis en ligne le 18 décembre 2008 et consulté le 26 février 2013.
15 J. TCHINDA KENFO, Colonisation, quêtes identitaires, pratiques élitistes et dynamiques socio-politiques dans les Bamboutos (Ouest-Cameroun), XIX – XX siècle. Thèse pour le Doctorat Ph/D en Histoire. DEA en Histoire. Option: Histoire des relations internationales, p. 234.
16 J.- F. BAYART & P. GESCHIERE, «Problématiques politiques de l’autochtonie», Critique internationale, n°10, 2001, pp. 126-128. Repris par A. CUTOLO, «Population, citoyennetés et territoires. Autochtonie et gouvernementalité en Afrique», in Politique Africaine, N° 112, décembre 2008, p. 5.
17 J. TCHINDA KENFO, Colonisation, quêtes identitaires, pratiques élitistes et dynamiques socio-politiques dans les Bamboutos (Ouest-Cameroun), XIX – XX siècle. Thèse pour le Doctorat Ph/D en Histoire. DEA en Histoire. Option: Histoire des relations internationales. Soutenue le 29 novembre 2016, p. 237.
18 C. BIOS NELEM, «Pouvoir et alternance politique en contexte démocratique: le cas du Cameroun», Annales de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines, 2011, Université de Yaoundé I, vol.1, n°12, p. 349.
19 C. BIOS NELEM, «Le pouvoir traditionnel en contexte pluraliste au Cameroun: la déconstruction des liens familiaux entre «frères» Bamoun à partir des clivages politiques», in SociologieS, 2018.
20 Idem.
21 NJOYA, Yaoundé, le 16/02/2017.
22 IBRAHIM, Yaoundé, le 16/02/2017.
23 C. BIOS NELEM, «Le pouvoir traditionnel en contexte pluraliste au Cameroun: la déconstruction des liens familiaux entre «frères» Bamoun à partir des clivages politiques», in SociologieS, 2018.
24 H. MIMCHE & Z. ALAWADI, «De la religion de l’autre: effervescence religieuse et recomposition des liens socio-familiaux au Cameroun», in N. HARRAMI & I. MELLITI , Visions du monde et modernités religieuses (regards croisés), Paris, Editions Publisud, pp. 333-344.
25 Aziz NJOYA, Yaoundé, le 16/02/2017.
26 NSANGOU, Foumban, le 11/02/2017.
27 C. BIOS NELEM, «Le pouvoir traditionnel en contexte pluraliste au Cameroun: la déconstruction des liens familiaux entre «frères» Bamoun à partir des clivages politiques», in SociologieS, 2018.
28 MIMCHE, Yaoundé, le 13/02/2017.
29 C. BIOS NELEM, «Le pouvoir traditionnel en contexte pluraliste au Cameroun: la déconstruction des liens familiaux entre «frères» Bamoun à partir des clivages politiques», in SociologieS, 2018.
30 IBRAHIM, Yaoundé, le 13/02/2017.
31 C. BIOS NELEM, «Le pouvoir traditionnel en contexte pluraliste au Cameroun: la déconstruction des liens familiaux entre «frères» Bamoun à partir des clivages politiques», in SociologieS, 2018.
32 Aziz NJOYA, Yaoundé, le 16/02/2017.
33 C. BIOS NELEM, «Le pouvoir traditionnel en contexte pluraliste au Cameroun: la déconstruction des liens familiaux entre «frères» Bamoun à partir des clivages politiques», in SociologieS, 2018.
34 G. ADJETE KOUASSIGAN, L’homme et la terre, Droits fonciers coutumiers et droit de propriété en Afrique occidentale, Paris, O. R. S. T. M., 1966, pp. 15-25. Voir J. TCHINDA KENFO, Colonisation, quêtes identitaires, pratiques élitistes et dynamiques socio-politiques dans les Bamboutos (Ouest-Cameroun), XIX – XX siècle. Thèse pour le Doctorat Ph/D en Histoire. DEA en Histoire. Option: Histoire des relations internationales. Soutenue le 29 novembre 2016, p. 250.
35 PÉLISSIER (P.),Transition foncière en Afrique noire: du temps des terroirs au temps des finages , pp. 19-20, 1995. In BLANC-PAMARD (C.) (Éd.) & CAMBREZY (L.) (Éd.), Dynamique des systèmes agraires: terre, terroir, territoire: les tensions foncières, Paris, ORSTOM, pp. 19-34.
36 Décret foncier impérial.
37 A ce sujet, L.-P. NGONGO, Histoire des institutions, 1987. In PRINCE KUMA NDUMBE III A. (éd), L’Afrique et l’Allemagne, 1986.
38 R. DAUS, p. 198 ff. Voir Banlieue-espaces de liberté dans les villes extra-européennes. Les grandes villes en Amérique latine: Rio de Janeiro, en Afrique: Douala, en Asie: Bangkok, Babylon Metropolis Studies, Ursula Opitz Verlag, Berlin, 2003.
39 D. E. VON GRAEVE, «Les Douala ont façonné l’histoire du Cameroun». 21 avril-juin 2020, version allemande, traduction de l’auteur. Article publié le 02 juin 2020 (version francaise) sur le site http://detlev.von.graeve.org et consulté le 16 décembre 2021.
40 Edition allemande, p. 30f.
41 E. DE ROSNY, Les yeux de la chèvre: sur le pas des maitres de la nuit en pays douala (Cameroun), Terre Humaine, 1981, 442 pages.
42 Voir A. GOUAFFO & R. TSOGANG FOSSI: «C’était… le Verdun camerounais»: Transfer von Raumvorstellungen als Rekonstruktionstrategie des Kolonialgedachtnisses, in B. NYEMB & S. YAOWA (Hg), «Praxis interkultureller Germanistik. Aktuelle Tendenzen und Perspektiven im postkolonialen Afrika», Hamburg: Verlag Dr. Kovack 2019, S. 131-150.
43 Bureau, p. 94.
44 D. E. VON GRAEVE, «Les Douala ont façonné l’histoire du Cameroun». 21 avril-juin 2020, version allemande, traduction de l’auteur. Article publié le 02 juin 2020 (version francaise) sur le site http://detlev.von.graeve.org et consulté le 16 décembre 2021, p. 90.
45 EVINA AKAM & H. MIMCHE, Une diversité ethnique sans pareille, 2011, pp. 140-141.
46 Voir V. J-C. KANGA, Le droit coutumier Bamiléké au contact des droits européens, 1959.
47 Herrenloses Land.
48 A. P. TEMGOUA, Les résistances à l’occupation allemande du Cameroun (1884-1916), Thèse pour le Doctorat d’Etat Es-Lettres, Département d’Histoire, Université de Yaoundé I, 2004-2005.
49 SDN: Société des Nations.
50 AEF: Afrique Équatoriale Francaise.
51 D. ABWA, Commissaires et Hauts Commissaires (1916-1960), Presses universitaires de Yaoundé: Presses de l’Université catholique d’Afrique centrale, 1998. Voir également Daniel ABWA, Cameroun: histoire d’un nationalisme (1884-1961), Yaoundé, Edition CLÉ, 2010.
52 J. TCHINDA KENFO, Colonisation, quêtes identitaires, pratiques élitistes et dynamiques socio-politiques dans les Bamboutos (Ouest-Cameroun), XIX – XXème siècle. Thèse pour le Doctorat Ph/D en Histoire. DEA en Histoire. Option: Histoire des relations internationales, pp. 252-253.
53 EVINA AKAM & H. MIMCHE, Une diversité ethnique sans pareille, 2011, pp. 140-141.
54 Ibid.
55 Voir V. J. NGOH, History of Cameroon Since 1800, Limbe: Presbook, 1996. Voir EVINA AKAM & H. MIMCHE, Une diversité ethnique sans pareille, 2011, pp. 140-141.
56 Région du Wouri. Rapport annuel, 1936. In R. GOUELLAIN, «Douala-Ville et Histoire», Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d’Ethnologie, Musée de l’Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, p. 209.
57 Région du Wouri. Rapport annuel, 1938. In R. GOUELLAIN, «Douala-Ville et Histoire», Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d’Ethnologie, Musée de l’Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, p. 209.
58 Région du Wouri. Rapport annuel, 1938. In R. GOUELLAIN, «Douala-Ville et Histoire», Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d’Ethnologie, Musée de l’Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, pp. 251-252.
59 Région du Wouri. Rapport annuel, 1938. In R. GOUELLAIN, «Douala-Ville et Histoire», Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d’Ethnologie, Musée de l’Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, pp. 251-252.
60 Région du Wouri. Rapport annuel, 1938. In R. GOUELLAIN, «Douala-Ville et Histoire», Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d’Ethnologie, Musée de l’Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, pp. 251-252.
61 Rapport sur l’administration de la Région du Wouri, 25 octobre 1941. In R. GOUELLAIN, «Douala-Ville et Histoire», op. cit., pp. 251-252.
62 R. GOUELLAIN, «Douala-Ville et Histoire», Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d’Ethnologie, Musée de l’Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, pp. 251-252.
63 R. GOUELLAIN, «Douala-Ville et Histoire», Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d’Ethnologie, Musée de l’Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, p. 261-262.
64 Décret du 12 janvier 1938 et décret du 21 juillet 1932.
65 1959.
66 Région du Wouri. Subdivision au Cameroun et à Douala en particulier, 1956. Des demandes de reconnaissance de ce genre eurent lieu: ce qui remettait tout en question. In R. GOUELLAIN, op. cit., pp. 311-312.
67 R. GOUELLAIN, «Douala-Ville et Histoire», Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d’Ethnologie, Musée de l’Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, p. 344.
68 Originellement, la ville comprend les cantons Bakoko, Mba n’saa Wouri et quatre lignages Douala: Bell, Akwa, Deido, Belle-Bell (Bonabéri). Ces populations appartiennent au grand groupe Sawa des peuples de la côte atlantique qui s’étend de Campo au sud jusqu’à Manfé dans la région anglophone.
69 «Le terroir» ou «Le village de Pom».
70 Les Bassa du Wouri.
71 A. B. AMOUGOU MBARGA, «A travers les dénominations des rues et quartiers de la ville de Douala. La quotidienneté comme univers de sens», in Anthropologie et Sociétés, Vol. 37, N°1, 2013, pp. 195-212.
72 J.-M. ELA, La ville en Afrique Noire, Paris, Karthala, 1983, p.57, 219 pages. In AMOUGOU MARGA, op. cit, pp. 195-212.
73 New-Bell (Neu Bell) veut dire «le nouveau Bell» en référence au clan Bell que les politiques d’urbanisation des colonisateurs allemands voulaient déloger de leurs terres et reloger dans cet espace.
74 Pour les Sawa, New-Bell veut dire Mbusa Mundi (arrière-cour ou arrière-pays).
75 Les Ewondo sont des populations bantu de la région du centre. Dans le cadre de ce travail, les expressions Béti et Ewondo sont synonymes bien que les Ewondo fassent partie du groupe Fang-Béti qui s’étend jusqu’au Gabon et à l’actuelle Guinée équatoriale.
76 Les Bassa sont des populations bantu du centre et sud du Cameroun sans confusion avec les Mba n’saa Wouri de culture Sawa.
77 Les Bamiléké sont des populations semi-bantu des Grassfields de l’Ouest-Cameroun.
78 La catégorie des Haoussa regroupe ici des populations peules, toupouri, haoussa venues du Nord-Cameroun et essentiellement de confession musulmane.
79 R. GOUELLAIN, «Parenté et affinité ethnique dans l’écologie du grand quartier de New-Bell», pp. 254-272, in A. SOUTHALL & D. FORDE (dir.), Social change in Modern Africa, Londres, Oxford University Press, 1961. Cité par A. B. AMOUGOU MBARGA, op. cit., pp. 195-212.
80 Les Bamenda apparentés aux Bamilékés sont des anglophones du Nord-Ouest.
81 Les Yabassi sont des cousins éloignés des Doualas tant par le dialecte que par la culture. Ils vivent au nord du fleuve Wouri, dans le département appelé Nkam.
82 Les Bafia sont des populations Tikar de la région du centre.
83 «La colline de la joie».
84 «La colline de la colère».
85 «La route des défécations».
86 Officiellement, il s’agit de nos jours de l’Avenue Sultan Njoya, roi et fondateur de la dynastie des Bamoun dans l’Ouest-Cameroun.
87 A. B. AMOUGOU MBARGA, «A travers les dénominations des rues et quartiers de la ville de Douala. La quotidienneté comme univers de sens», in Anthropologie et Sociétés, Vol. 37, N°1, 2013, pp. 195-212.
88 Depuis le début de l’année 2009, Ernest MOUEN DIBOUNDJE, chef Mba N’saa Wouri du quartier Kotto, sensibilise sans grand succès ses sujets dans le but de faire respecter les appellations autochtones et administratives des rues de son unité de commandement.
89 A. B. AMOUGOU MBARGA, «A travers les dénominations des rues et quartiers de la ville de Douala. La quotidienneté comme univers de sens», in Anthropologie et Sociétés, Vol. 37, N°1, 2013, pp. 195-212.
90 M. HILGERS, Une ethnographie à l’échelle de la ville. Urbanité, histoire et reconnaissance à Koudougou (Burkina-Faso), Paris, Karthala, 2009, p.9. In A. B. AMOUGOU MBARGA, op. cit., pp. 195-212.
91 A. B. AMOUGOU MBARGA, «A travers les dénominations des rues et quartiers de la ville de Douala. La quotidienneté comme univers de sens», in Anthropologie et Sociétés, Vol. 37, N°1, 2013, pp. 195-212.
92 A. MBEMBE, La naissance du maquis dans le Sud-Cameroun (1920-1960), Paris, Karthala, 1996, p. 201.
93 A. B. AMOUGOU MBARGA, «A travers les dénominations des rues et quartiers de la ville de Douala. La quotidienneté comme univers de sens», in Anthropologie et Sociétés, Vol. 37, N°1, 2013, pp. 195-212.
94 Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, parti au pouvoir, qui était jusqu’en 1985 l’UNC (Union nationale camerounaise).
95 Députés, maire.
96 A. B. AMOUGOU MBARGA, «A travers les dénominations des rues et quartiers de la ville de Douala. La quotidienneté comme univers de sens», in Anthropologie et Sociétés, Vol. 37, N°1, 2013, pp. 195-212.
97 C. COQUERY-VIDROVITCH & H. MONIOT, L’Afrique noire: de 1800 à nos jours, Paris, Presses Universitaires de France, 1984, p. 387. In A. B. AMOUGOU MBARGA, op. cit., pp. 195-212.
- Quote paper
- Patricia Etonde (Author), 2022, Les pouvoirs politiques traditionnels Bamoun et Duala au prisme de l'état postcolonial camerounais. Continuité des traditions colonialistes occidentales, Munich, GRIN Verlag, https://www.hausarbeiten.de/document/1268758